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La 10e semaine économique de la Méditerranée de Marseille a pris la mesure de la 3e révolution technologique,
sur la région. Risque ou opportunité ?
« Les gouvernements de la rive sud Méditerranée devraient subventionner fortement la connectivité au lieu de
subventionner l’énergie », a affirmé le professeur Adel Ben Yousef lors de la séance inaugurale de la Semaine
économique de la Méditerranée, la 10e SEM (2-4 novembre) à la villa Méditerranée à Marseille. « La révolution
numérique en cours c’est une partie de notre cerveau qui va se tenir dans notre terminal. Elle va s’accélérer avec
les objets connectés les cinq prochaines années. 90% des données générés dans le monde l’ont été les deux
dernières années », a t-il souligné devant un parterre de spécialistes, de personnalités politiques, de chefs
d’entreprises, et de startupers.
Le professeur franco-tunisien Ben Youssef a évoqué deux études qui démontrent que l’attractivité des territoires
pour les investissements est de plus en plus corrélée à leur connectivité. « Un euro dépensé pour soutenir le
développement des TIC dépasse désormais en retour sur investissement le même euro dépensé dans les routes
dans les pays émergents ».
Stephane Soto directeur de Aix-Marseile, French Touch a ensuite expliqué comment rendre un territoire plus
attractif grâce au numérique. La « smart ville » (ville intelligente) est un enjeu politique car il façonne la citoyenne
de demain à travers le choix technologique d’aujourd’hui » a, de son côté, prévenu Florence Durand-Tornare,
fondatrice et déléguée des villes internet, en France.
« Le numérique va tout souffler »
Les intervenants de la première journée de cette 10e édition de la SEM dédié au numérique se sont surtout
attelés à montrée comment l’arrivée de l’économie numérique peut être une opportunité pour mieux intégré la
Méditerranée. « Les états et les opérateurs téléphoniques sont en train de mettre à niveau les tuyaux », a affirmé
un intervenant dans le public, producteur de jeux vidéos, « mais la problématique des contenus demeurent
entière. Les pays du Maghreb n’arrivent pas à produire leurs propres contenus digitaux ».
C’est le modèle économique des acteurs du digital qui reste à inventer dans ces pays où la bancarisation n’est
pas optimale et où les revenus ne vont pas aux développeurs. En réalité, les gouvernements de ces pays ne
réalisent pas complètement que les modèles traditionnels « vont être soufflés par l’hyperconnexion ; que notre
relation au travail, aux loisirs, à la connaissance, vont complètement changer », prévient le professeur Ben
Youssef. D’ou la difficulté à faire émerger une filière dynamique des produits digitaux, « notamment dans ce qui
est lié à la créativité culturel des pays sud méditerranéens et africains », précise le producteur des jeux vidéo.
Les câbles en attendant les projets intégrés
Les projets existent et les start up aussi « mais le fonds d’amorçage est absent qui permet à une idée de devenir
un business plan qui tient la route », a déploré un startuper marocain. Le directeur de l’Innovation et de la
compétitivité à la direction des projets de Banque européenne de l’investissement, Gunnar Muent, a fait un
exposé sur la politique d’investissement de la BEI sur les Digital Technologies en Méditerranée.
Les projets connectés sur les deux rives, avec de l’outsourcing vers des développeurs basés au Maghreb ou en
Egypte, ou de la co-localisation sont en théorie prix en compte. Pas assez pour figurer comme un chiffre dans le
bilan des engagements de la banque. La Méditerranée n’est connectée que par des câbles pour le moment.
D’ailleurs, Marseille insiste lourdement sur son statut de « coffre fort numérique du monde ». 13 câbles sous-
marins partent de la ville phocéenne.
“Probablement, nous n’avons pas fini avec le COVID-19, mais nous en avons fini avec sa phase la plus aiguë du début de l’année 2020”. Durant cette première phase, caractérisée par une courbe en cloche aiguë et une montée exponentielle de nouveaux cas dans le monde, qui a conduit au confinement de plusieurs milliards d’individus, de nombreux enseignements ont pu être tirés.
La premier d’entre eux concerne la nécessité d’assurer la sécurité sanitaire. Les pays étaient dans l’obligation de disposer d’équipements médicaux de base afin de faire face à une poussée épidémique et de disposer des masques protecteurs, de gel, de respirateurs, de lits d’hospitalisation… Certains pays, n’avaient pas les équipements sanitaires de base et étaient exposés à un risque insensé. Ils ont tenté de mobiliser leurs industriels locaux pour produire en urgence le matériel nécessaire. Mais, construire une capacité productive nécessitait un peu de temps et il était plus simple de recourir à une mobilisation des relations diplomatiques pour arriver dans le cours terme à leurs fins. On est allé jusqu’à parler d’une diplomatie sanitaire ou encore d’une diplomatie des « masques ».
Le second enseignement concerne la nécessité d’assurer sa sécurité alimentaire en cas de crise. Assurer la provision de la population en nourriture et en produits de première nécessité en quantité et en qualité n’était pas une chose aisée dans un monde qui a fermé ses frontières et où le commerce international de marchandises était fortement perturbé. Assurer la continuité des activités agricoles, trouver des travailleurs pour les récoltes, assurer la logistique pour la distribution des produits, gérer les chaînes logistiques étaient devenues des tâches aussi prioritaires que les activités de soins médicaux. Il a fallu que partout dans le monde, les États reprennent en main certaines activités pour assurer, en cas de besoin, les approvisionnements des produits de base, face à des mouvements de panique des populations.
« La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine».[1]
Avec la fermeture des frontières, de nombreux pays étaient dans des situations très critiques. Certains pays n’avaient pas suffisamment de matières premières comme du blé, du riz, de la viande ou du lait…pour assurer l’alimentation des populations sur une longue période de confinement. D’autres pays, dont le revenu intérieur brut dépendait strictement de la vente des “produits agricoles”, avaient un problème de revenu – et de liquidités – pour assurer l’importation de biens alimentaires dont ils avaient besoin. Tenant compte des enseignements de la première vague, et plongeant dans un monde post-Covid-19, une évidence s’est imposée: la sécurité alimentaire est aussi importante que la sécurité sanitaire, voire la sécurité militaire. Certains pays européens ont régularisé des immigrés clandestins à condition qu’ils les aident à assurer les récoltes agricoles, d’autres pays ont arrêté les exportations de biens agro-alimentaires et de biens agricoles pour l’année prochaine (Chine, Union Européenne), d’autres encore ont mis en place des incitations pour réorienter les productions agricoles vers les besoins des marchés locaux!!! Bref, la sécurité alimentaire s’est imposée comme une orientation politique majeure dans le monde post-Covid-19
Dans cette note nous allons chercher à revenir sur les diverses facettes de la notion de sécurité alimentaire – dans une conception plus large – en la liant avec les menaces sanitaires et celles des changements climatiques. Puis, nous allons examiner les conséquences du Covid-19 sur les politiques agricoles actuelles et celles de la sécurité alimentaire en particulier. Enfin, nous allons détailler les politiques de “résilience” et d’adaptation à cette nouvelle donne en matière de sécurité alimentaire dans un monde post-Covid-19.
- La sécurité alimentaire: une question centrale de souveraineté
La sécurité alimentaire est un défi mondial. Assurer une production agricole pouvant satisfaire la planète est un défi majeur pour l’humanité dont la croissance démographique effraye. Un des objectifs de développement durable (ODD) porte explicitement sur ce sujet. Mais dans un monde, fait de relations complexes de concurrence et de coopération, assurer sa propre sécurité alimentaire nécessité plusieurs options stratégiques qui se combinent et s’additionnent. Elles sont d’ordre diplomatique, productive, technologique et éducationnelle.
Les relations diplomatiques comme fondement de la sécurité alimentaire
La diplomatie permet d’assurer des alliances stables avec des pays amis en vue d’établir un système de transactions complexes qui in fine assurent le fonctionnement et la stabilité d’un pays. Les relations diplomatiques fondées sur les “ressources” sont les formes de relations internationales dominantes. Chaque pays s’assure de son approvisionnement en énergie, en eau et en nourriture en établissant des coalitions et des transactions. Le triptyque « Water-Food-Energy » est au cœur de toutes les conceptions des politiques économiques et diplomatiques modernes. A titre d’exemple, le système des compensations internationales liant les transactions militaires à des transactions en retour portant sur des biens civils porte assez souvent sur les approvisionnements de produits agricoles. Certains achats de matériels militaires sont compensés par des facteurs multiplicatifs importants en retour en biens alimentaires. Les coalitions stratégiques lient ainsi le pouvoir militaire avec le pouvoir nutritionnel. Les coalitions militaires admettent un côté sécurité alimentaire peu connu du grand public. Une diplomatie active, permet ainsi d’assurer les provisions en cas de problèmes graves.
La politique agricole comme fondement de la sécurité alimentaire
Mais avant de se tourner vers les pays amis, un pays est capable d’assurer sa sécurité alimentaire en mettant en place une bonne politique agricole tournée vers la satisfaction des besoins locaux. A la sortie de la seconde guerre mondiale, l’Europe n’assurait guère ses besoins “nutritionnels” a dû mettre en place la politique agricole commune (PAC) agressive afin de transformer le paysage agricole européen et le rendre aussi performant que le système agricole américain. Cette mutation s’est effectuée à l’aide d’un protectionnisme assumé et de transferts substantiels de la Commission Européenne vers ses propres agriculteurs. Mais ce qui est bon pour l’Europe, ne l’est pas pour d’autres pays qui ont bénéficié de manière indirecte des surplus de production de l’Europe. Ceci les a incité à moins investir dans leur propre système agricole et rester dépendant de la production européenne.
La politique agricole est un outil de planification permettant de faire fonctionner le système de production agricole vers un objectif de satisfaction des besoins intérieurs en premier. Réduire la dépendance extérieure par la mise en place d’exploitations sur le sol domestique est une orientation que beaucoup de pays ont pratiqué comme la Corée et le Japon. Dans cette conception des politiques interventionnistes et protectionnistes sont mise en place. Assurer sa sécurité alimentaire en investissant dans son propre système de production agricole local, nécessite de mettre en place des politiques incitatives pour l’investissement agricole, de veiller à assurer la production localement des produits de base comme le lait, les viandes et les oléagineux. Assurer des revenus décents pour les populations rurales et agricoles, voire de compenser les agriculteurs pour les autres services qu’ils rendent (biodiversité, entretien des paysages…) ! Il s’agit également d’accompagner le secteur agroalimentaire dans les processus de transformation des produits. Ces défis ne sont pas simples à relever comme le montrent les exemples de l’Inde et de nombreux pays d’Afrique Subsaharienne de nos jours.
L’éducation nutritionnelle comme fondement de la sécurité alimentaire
Une des perturbations les plus importantes ayant été subie par les systèmes alimentaires mondiaux a concerné le changement de modèle nutritionnel, sous l’influence de la publicité et du marketing agressif, mais également à la suite d’une mauvaise gestion politique parfois. Cette perturbation concerne la diffusion d’un modèle de nutrition “occidental” au reste du monde sous l’impulsion des géants de l’agro-alimentaire et de la mondialisation. Pizzas, boissons gazeuses sucrées, céréales transformées au petit déjeuner, sandwichs, biscuits et autres produits laitiers transformés ont remplacés partout dans le monde des traditions ancestrales en matière de nutrition proche des systèmes de production alimentaires locaux. Ceci a conduit à mondialiser la production des biens alimentaires et à désarticuler l’alimentation des systèmes de production locaux. Assurer sa sécurité alimentaire c’est aussi résister à cette mondialisation afin d’assurer une alimentation en fonction des caractéristiques et des habitudes locales. Pour cela, les programmes d’éducation à la nutrition sont fondamentaux. Il s’agit de les mettre en place dès le plus jeune âge dans les écoles primaires et pré-primaires. Assurer une éducation à l’alimentation saine est un enjeu de souveraineté agricole et un enjeu de santé publique compte tenu des répercussions graves de ce nouveau modèle nutritionnel en matière de santé.
La maîtrise technologique est un élément fondamental de la sécurité alimentaire
La modernisation de l’agriculture par le recours aux nouvelles technologies, la recherche agronomique, la maîtrise des biotechnologies sont devenues des éléments importants pour augmenter les rendements agricoles et maîtriser la sécurité alimentaire. La révolution technologique verte a bien eu durant la fin du 20è siècle et a permis d’accroître les rendements de manière significative. Les manipulations génétiques, dénoncées de nos jours, ont pu permettre de sélectionner les variétés les plus rentables et d’accroître la productivité agricole. Les recherche sur les “fertilisants” des terres, la recherche en matière d’adéquation des terres aux plantations, les recherches sur les variétés des plantations ont aidés de nombreux pays à résoudre leurs problèmes agricoles et à adapter leurs systèmes de production. Disposer d’une capacité de recherche agronomique est un des fondements de la sécurité alimentaire moderne.
Maîtriser le gaspillage !
L’efficience dans l’usage des ressources est un moyen d’assurer la sécurité alimentaire. Dans certains pays, le gaspillage alimentaire touche près de 30% des aliments ! Ces gaspillages sont à la fois induits par des comportements irresponsables des consommateurs, mais également par un conditionnement de la publicité et des marketeurs ! La destruction des stocks d’aliments après la date limite d’usage a été interdite par la loi dans de nombreux pays d’Europe. Car en général, ces produits demeurent valables pour la consommation encore pour quelques jours. Ils sont de nos jours dirigés vers des circuits de solidarité et permettant de nourrir des centaines de milliers de personnes. En Tunisie, le pays importe une quantité importante de son blé afin d’assurer ses besoins en produits à base de farine. Dans le même temps, on compte près de 800 000 baguettes jetées à la poubelle. La politique de compensation des produits de base, notamment le pain, conduit à un gaspillage alimentaire. La politique du vrai prix permet de faire jouer l’effet rareté et de faire maîtriser les ressources.
Ainsi, le concept de sécurité alimentaire est un concept qui admet une multitude de facettes et nécessite des stratégies élaborées en matière de diplomatie, d’éducation, de production agricole et d’innovation. Le recours au libre-échange, en contrepartie d’une insertion internationale dans le processus de division du travail, avait fait relâcher ces efforts à de nombreux pays. Mais la crise de la Covid-19 a remis les pendules à l’heure !
- Les conséquences de la Covid-19 sur la perturbation de la chaîne alimentaire
Les mesures prises par les pays pour ralentir la propagation de la Covid-19 ont mis en danger les chaînes d’approvisionnement alimentaires. Des étagères vides de l’épicerie, aux supermarchés, à la fermeture des restaurants, la Covid-19 a eu un impact sans précédent sur la chaîne alimentaire et dans le réseau d’interactions entre agriculteurs, intrants agricoles, livraisons et distribution.
Une perturbation la grande distribution par l’arrêt du commerce international
Dans un premier temps, il a fallu gérer les stocks et de s’assurer que leur écoulement permettrait de satisfaire les besoins les plus urgents des populations. Mais faisant face à des pertes importantes, par manque de liquidité et de trésorerie, en l’absence de soutien financier et avec l’arrêt de la chaîne d’approvisionnement, de nombreux acteurs de la chaîne alimentaire ont été obligés de fermer (pour une période temporaire ou définitive).
La grande distribution dont le modèle est de plus en plus mondialisé a été fortement impacté. En effet, l’approvisionnement de produits venant du reste du monde a été interrompu. Certaines chaînes se sont tournées vers les producteurs locaux. D’autres n’ont pas pu adapter leurs circuits logistiques et ont fait face à des semaines avec des rayons vides. Les tomates du Maroc n’étaient plus disponibles sur les rayons de la grande distribution en France. Les fraises espagnoles non récoltées et la Mozzarella produite en Nouvelle Zélande pour les Pizza Hut du monde non acheminé…bref, il fallait se tourner vers des produits locaux et établir des contrats avec les producteurs de proximité. Des augmentations de prix se sont fait sentir et ceci a touché le portefeuille des plus démunis qui se sont tournés vers les circuits informels.
Augmentation des vulnérables et nécessité de les prendre en charge
Une attention a été porté vers les marchés informels car ces derniers permettaient à de nombreux pays d’assurer leur alimentation. Leur fermeture a entraîné non seulement des pertes d’emplois mais également une augmentation de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté. Les systèmes de solidarité ont joué à plein pour compenser ces dysfonctionnements. Qu’il s’agisse d’initiatives privées, par les Organisations Non Gouvernementales (ONG), par les autorités locales ou nationales les interventions étaient guidées par le principe de ne laisser personne sans satisfaire ses besoins en nourriture. De l’Allemagne, aux Etats-Unis en passant par le Maroc et l’Egypte, tous les pays du monde étaient engagés dans la lutte pour la sécurité alimentaire et venir aux besoins des plus nécessiteux. L’instauration du revenu universel[2] a permis de limiter les impacts de la Covid-19 sur l’insécurité alimentaire. Naturellement, les vulnérabilités les plus fortes ont été observés dans les pays à faible revenu. Avec des contraintes fortes sur les ressources de l’Etat et avec le manque de revenus issus du commerce international des « ressources naturelles », les demandes de soutien de la part du FMI ont radicalement explosé. Les dettes publiques sont montées en flèche. Mais l’urgence était de couvrir les besoins des populations locales en nourriture.
Une augmentation sans précédent de l’insécurité alimentaire dans le monde
Ces dernières années, le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire dans le monde a déjà considérablement augmenté, en raison du ralentissement économique et du changement climatique. Les pertes d’emplois, les livraisons lentes et la destruction des chaînes alimentaires pendant la période COVID-19 augmenteront encore le nombre de personnes confrontées à la faim. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë peut atteindre 270 millions de personnes d’ici la fin de l’année, soit une augmentation de 82% par rapport au nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë pré-Covid.[3] En Tunisie, environ 500 000 personnes sont touchées pendant la crise de la Covid-19 par une insécurité alimentaire élevée, une inflation élevée et des revenus extrêmement réduits par manque de transferts de fonds.
L’insécurité alimentaire peut conduire à des épisodes de soulèvements populaires, voire à des révolutions. La dernière décennie a été riche en soulèvements populaires dans le monde entier. La plupart des commentateurs évoquent à cet égard les aspirations politiques. Mais avant de songer aux aspirations politiques, force est de reconnaître qu’il y a un sentiment d’insécurité alimentaire de la population qui l’a conduit à exprimer cette colère dans la rue. Ainsi, en perturbant l’approvisionnement alimentaire, la Covid-19 pourrait conduire à des soulèvements violents dans le monde si des mécanismes de régulation et des politiques économiques ne sont pas mises en place.
Au-delà des éléments mentionnés, ce sont les futures exportations de produits agricoles qui posent problème. Face à l’incertitude grandissante des évolutions du monde, de nombreux pays préfèrent réaliser des stocks stratégiques et limiter les exportations. Ceci conduira à une augmentation des prix, comme en 2007-2008 ! la vulnérabilité des pays importateurs sera plus grande et une réorientation de leurs politiques alimentaires et agricoles est plus que nécessaire.
- Quelles politiques alimentaires et agricoles dans un monde post Covid-19
La situation très particulière vécue en 2020 aura sans nul doute de nombreuses conséquences sur la manière de considérer les politiques alimentaires et agricoles. Un regain d’intérêt pour la thématique de la sécurité alimentaire sera observé un peu partout dans le monde. Mais il s’agira aussi de considérer les autres fonctions de l’agriculture, comme la nécessité de la concilier avec la préservation de la biodiversité, d’être résiliente au changement climatique ou encore de la tourner vers des circuits courts pour servir les besoins locaux. Mais la thématique de la sécurité alimentaire a également une composante éducative, technologique et de recherche et développement à ne pas sous-estimer. Nous proposons ici quelques pistes qui ont le vent en poupe.
Relancer la production locale (proximité géographique) et la culture des variétés locales
La crise de la Covid-19 , qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, a souligné l’importance de la production alimentaire locale. La restriction du commerce mondial et local est une opportunité pour les pays qui dépendent fortement des importations de décentraliser leurs systèmes alimentaires et de créer une plus grande diversité alimentaire locale dans un monde post Covid-19. Dans le monde post Covid-19, le soutien doit être concentré sur le renforcement des systèmes alimentaires locaux, qui sont des chaînes d’approvisionnement plus courtes et bien organisées. Les chaînes d’approvisionnement alimentaire locales devraient répondre aux priorités locales, promouvoir la variété de la production alimentaire et réduire la pénurie alimentaire. Les producteurs locaux ont été d’un grand secours lors du confinement et ont pu compenser les importations. Même si les prix ont été plus élevés, les consommateurs ont pu apprécier les variétés locales et les fruits et légumes de saisons. Cette tendance s’insère dans une tendance plus grande à savoir celle de la promotion d’une économie locale et circulaire.
Innover pour assurer sa propre sécurité alimentaire
L’agriculture est essentielle pour stimuler la croissance économique et la sécurité alimentaire d’un pays. De nombreux pays, en particulier les pays africains, sont confrontés à divers problèmes dus aux effets du changement climatique tels que les sécheresses, les inondations, les cyclones, les maladies affectant le bétail et les plantes. Par conséquent, les systèmes alimentaires doivent être repensés en donnant la priorité à l’innovation pour être le principal moteur de la croissance de la productivité et de l’agriculture durable. Dans le post Covid-19, il est impératif d’investir dans la R&D agricole pour mettre en œuvre des technologies qui augmentent l’efficacité des systèmes de production agricole. Pour assurer les apports en protéine, l’innovation et la R&D sera essentielle. Le système alimentaire sera amené à intégrer davantage de protéines végétales et celles provenant des insectes. Ceci conduit à imaginer des innovations majeures dans le système alimentaire. De nombreuses start-ups dans le monde entier tentent de relever le challenge et de proposer des solutions innovantes permettant d’assurer les apports en protéines pour le monde entier sans nuire à l’environnement et en s’adaptant aux changements climatiques.
Éduquer les populations à une alimentation saine sur la base des variétés locales
Pendant la période de confinement due à la Covid-19, des changements importants ont été observés dans le comportement des consommateurs, en particulier dans les modes de consommation alimentaire et les choix alimentaires.Face aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement et à la perturbation des chaînes d’approvisionnement internationales, la consommation s’est tournée vers les producteurs nationaux.
Ce changement de comportement de consommation alimentaire augmentera les préférences des consommateurs pour une alimentation saine, y compris les produits frais, dans un monde après COVID-19. Les gens s’adaptent pour passer plus de temps à la maison et devraient manger moins à l’extérieur tout en soutenant leurs producteurs locaux. Les consommateurs seront plus conscients de la qualité lorsqu’il s’agit d’acheter de la nourriture. Leurs comportements de consommation deviendront plus durables et la prise de conscience de l’importance des aliments dans le maintien de leur santé s’améliorera.
La digitalisation des chaînes d’approvisionnement alimentaire
L’investissement dans la création de chaînes d’approvisionnement alimentaire connectées numériquement et ultra-argiles doit être une priorité pour les entreprises agroalimentaires dans un post COVID-19. Les réseaux d’approvisionnement numérique rendront les entreprises moins vulnérables à long terme. Les robots, par exemple, réduisent la dépendance à l’égard de la main-d’œuvre et les derniers outils basés sur l’intelligence artificielle révolutionnent les processus métier et la gestion des scénarios, réduisant ainsi les coûts et les risques. Cette digitalisation de l’agriculture s’insère dans un mouvement plus large de robotisation du travail et aura des conséquences sur l’emploi et les qualifications. Mais avec la perspective de réduire les vulnérabilités futures aux menaces sanitaires, cette tendance a été validée.
Mettre en place une agriculture résiliente aux changements climatiques
L’agriculture et le changement climatique ont une double relation. D’une part, l’agriculture contribue au changement climatique, car ses activités de développement contribuent aux émissions de gaz à effet de serre; et d’autre part, le changement climatique affecte le développement de l’agriculture.
Sur la base des enseignements tirés de la crise du COVID-19, la construction d’une agriculture résiliente et d’une chaîne d’approvisionnement alimentaire durable devrait être une priorité pour les décideurs. Ils doivent conjuguer leurs efforts pour relever les défis d’un développement agricole durable, pour prendre en compte les questions de climat et de biodiversité afin de construire une agriculture plus forte et résiliente dans un monde post-COVID-19. Cet objectif peut être atteint grâce à la coopération et à la participation de nouvelles technologies.
Pour conclure !
La crise de la Covid-19 a incité les gouvernements, notamment ceux des pays en développement, à se tourner vers la souveraineté alimentaire et à repenser leur modèle agricole. Avant la pandémie, une personne sur neuf dans le monde, soit 821 millions d’individus, souffrait déjà de la faim. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies prévoit une hausse d’environ 130 millions de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë en 2020 suite à la Pandémie de la Covid-19 . La perturbation du commerce international a conduit à la réduction des exportations de matières premières agricoles de nombreux pays en développement. Bien que la production alimentaire soit largement suffisante au niveau global, le système des dépendances accroît la vulnérabilité de certains pays à leur sécurité alimentaire (limitation des importations et limitation de l’accès aux marchés internationaux). La crise de la Covid-19 a accentué l’insécurité alimentaire et a accentué l’extrême pauvreté des populations vulnérables.
La nécessité de traiter l’agriculture comme un secteur à part de par sa multi-dimensionnalité a conduit de nombreux pays à adopter des positions le concept de sécurité alimentaire avait perdu de sa superbe dans les années 2000. Il a fallu une première crise – de 2008 – pour que de nombreux pays se rendent compte à quel point ils étaient vulnérables aux importations de produits agricoles. Les prix avaient flambés – certains produits avaient triplé de prix et certains pays avaient décrétés l’arrêt des exportations. Mais les interventions étatiques, la régulation des marchés et la baisse des prix ont presque fait oublier cette crise et les mesures prises partout dans le monde allant vers des politiques de sécurité alimentaire. La crise du COVID-19 est venue comme une piqûre de rappel et il sera difficile de ne pas se souvenir à nouveau que plus que jamais la sécurité alimentaire est une politique de sécurité nationale extrême dans un monde de plus en plus mouvant !
[1]http://www.fao.org/organicag/oa-specialfeatures/oa-foodsecurity/fr/
[2]Article sur le revenu universel
[3] WFP Global Response to COVID-19: June 2020
Le tourisme est l’un des secteurs de l’économie mondiale les plus durement touchés pendant la crise COVID-19. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le nombre d’arrivées de touristes diminuerait de 60 à 80% en 2020, soit une perte de 910 à 1170 milliards de dollars de recettes touristiques internationales. Selon le conseil mondial du voyage et du tourisme, l’impact de la crise COVID-19 pourrait mettre en péril 197,5 millions d’emplois touristiques (au pire des cas). Il s’agit d’un chiffre alarmant, car il représente une augmentation d’environ 96% par rapport aux estimations précédentes du World Travel and Tourism Council (WTTC) selon lesquelles 100,8 millions d’emplois pourraient être menacés. Ce chiffre pourrait s’aggraver à mesure que le virus évolue, entraînant une perte sans précédent pour le secteur et pour l’économie mondiale.
L’impact du COVID-19 sur le tourisme est une préoccupation mondiale. Le nombre de passagers a considérablement diminué. De nombreux voyages ont été annulés et de grands événements publics ont été reportés, mettant en danger de nombreux emplois et entraînant une baisse considérable des revenus du tourisme (Ben Youssef et al., 2020). Nombre de compagnies aériennes ont été forcées d’ajuster leurs effectifs et de demander aux employés de prendre des congés payés ou non. Sans les plans de sauvetage nationaux, de nombreuses compagnies aériennes auraient pu disparaître du paysage. L’emploi dans le secteur du tourisme continuera d’être affecté dans le monde d’après COVID-19, car la reprise du secteur prendra probablement plus de temps que prévu.
Sur un autre plan, l’industrie des croisières génère plus de 150 milliards de dollars par an en activité économique mondiale et soutient plus de 1,17 million d’emplois dans le monde en touchant presque tous les secteurs, tels que les transports, l’agriculture, l’hôtellerie, la fabrication et au-delà. Afin d’empêcher la propagation du COVID-19, de nombreux pays ont pris des mesures en exigeant la fermeture des ports et la suspension des croisières. Cette industrie est en panne sèche aujourd’hui.
Si la région de l’Asie de l’Est est celle qui a été la plus durement touchée, force est de reconnaître que les impacts sont aussi importants dans la région du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA). L’objet de cette courte note consiste à analyser les impacts de court et long terme de la crise du COVID-19 sur l’industrie du tourisme dans le monde et de discuter les voies du retour à l’équilibre. Un focus particulier est fait sur la région MENA et en particulier sur la Tunisie.
1. L’impact global du COVID-19 sur l’industrie touristique dans la région MENA
Dans la région MENA, le tourisme est un pilier économique majeur. Il représente environ 5,3% du PIB et 6,7 millions d’emplois selon le WTTC. Le confinement imposé pour empêcher la propagation du COVID-19 a eu un impact sur le tourisme des pays de la région MENA, en particulier ceux qui dépendent fortement du tourisme comme le Maroc, la Tunisie, le Liban et l’Égypte. L’Egypte est le pays le plus violemment touché. Ce secteur contribue en Egypte à hauteur de 12% du PIB à peu près. Selon l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI), les pertes de recettes touristiques représenteront les deux tiers des pertes totales de PIB causées par la crise dans ce pays.
L’annulation d’événements majeurs dans la région MENA, tels que Dubai EXPO 2020 et le pèlerinage annuel du Hajj en Arabie Saoudite, qui devrait avoir respectivement environ 25 millions de visiteurs et 2 millions de touristes religieux, auront des effets dévastateurs sur les économies des pays de la région. Dans les pays du Golfe, les recettes touristiques pourraient diminuer de 14 à 17 milliards de dollars (hors des pertes des compagnies aériennes), en supposant que la crise dure deux trimestres, et jusqu’à 400 000 emplois liés au tourisme pourraient être perdus.
Cependant, les pays de la région MENA ont prévu de rouvrir les activités touristiques. La Tunisie rouvre a officiellement ouvert ses frontières terrestres, maritimes et aériennes le 27 juin 2020, permettant aux touristes d’entrer sur la base d’un système à code couleur basé sur l’évaluation des risques. La Tunisie, grâce à ses efforts de contenir le Virus, a obtenu le label COVID-Safe et été classée parmi les sept destinations touristiques de premier plan dans un monde post COVID-19. L’Égypte commencera ses activités touristiques le 1er juillet, avec des mesures d’hygiène et des contrôles stricts pour les arrivées de touristes. Dubaï, la destination la plus fascinante des Émirats Arabes Unis, commencera à accepter des touristes le 7 juillet, tandis que les Hajj ne pourrait être effectué que par des résidents étrangers en Arabie Saoudite.
La région a été fortement touchée dans un contexte de baisse des revenus pétroliers et des revenus du secteur des transports aériens. Selon l’IATA, les revenus générés par les compagnies aériennes en Tunisie chuteront de 0,6 milliard de dollars en 2020, 47% en dessous des niveaux de 2019. Cela met en péril 92 700 emplois tunisiens et 1,2 milliard de dollars du PIBB tunisien, généré par le secteur de l’aviation. Je vous laisse imaginer les pertes pour des pays comme les Émirats Arabes Unis ou encore le Qatar.
2. Pourquoi L’industrie du tourisme est-elle si durement touchée par la crise COVID-19 ?
L’industrie touristique a été plus durement touchée que d’autres industries pour des raisons évidentes (sanitaires) mais également pour des raisons liées à sa dépendance d’autres acteurs de la chaîne de la valeur.
Le problème de santé publique et d’interdiction des rassemblements pendant le confinement a eu un effet immédiat sur le secteur touristique.
Le SARS-COV-2 ou COVID-19, une nouvelle maladie infectieuse identifiée pour la première fois en décembre 2019 à Wuhan (Chine). Sa propagation rapide dans le monde a provoqué une crise mondiale de santé publique en peu de temps. Le 11 mars, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré le COVID-19 pandémie. Afin de ralentir la propagation du COVID-19, de nombreux pays ont imposé le confinement (interdiction presque totale de déplacement des populations). De nombreuses activités ont été arrêtées, les vols et les trains ont été suspendus, les métros et les bus ont été fermés et les activités de rassemblement de masse ont été annulées. Cette situation perdure de nos jours et la pandémie progresse à un rythme rapide en Amérique du Nord, en Inde et en Amérique Latine de nos jours.
La lutte contre la propagation du virus a un impact sévère sur le tourisme en raison des interdictions de voyager. Certains secteurs de l’économie ont été touchés très tôt et plus intensément que d’autres en raison de leur dépendance des déplacements des individus et de l’arrêt total des activités. Ils connaissent des pertes dramatiques. Ces pertes peuvent être temporaires ou continuer à long terme, selon notre capacité à endiguer le virus. Les industries touristiques sont fondées sur les rassemblements des individus dans des endroits respectant les conditions sanitaires. En l’absence de solution durable et d’incertitude sur les modalités de propagation du virus, il est difficile de nos jours de pouvoir envisager que les hôtels puissent à nouveau exercer avec une pleine capacité. Le rétablissement de l’industrie nécessitera que les restrictions de tous types sur les rassemblements soient levées. A titre d’exemple, le COVID a été associé au Diamond Princess (le bateau de croisière qui a été immobilisé au Japon où presque tous les passagers ont été infectés). Cet exemple a fortement frappé les esprits et la reprise des croisières à son niveau d’avant COVID-19 risque de ne pas avoir lieu à court terme.
Une forte dépendance à l’égard du transport aérien et du transport maritime
Le secteur du transport aérien a été immédiatement affecté par la crise du COVID-19, avec de nombreux voyages annulés, une réduction spectaculaire du nombre de passagers et des avions cloués au sol. Selon l’International Air Transport Association (IATA), l’impact du COVID-19 sur les compagnies aériennes jusqu’à présent n’est « que la pointe de l’iceberg »; il continuera d’affecter l’industrie aéronautique dans le monde durablement – au moins pour une décennie.
Les premiers vols annulés ont eu lieu à Wuhan. Ces annulations ont été suivis par de nombreux pays mettant en œuvre des mesures similaires pour tenter de ralentir la propagation rapide du COVID-19. L’OMT (2020) a fait des évaluations basées sur trois dates possibles pour une ouverture progressive des frontières internationales. Tout d’abord, sur la base d’une ouverture à partir de début juillet, la baisse serait de 58% des arrivées de touristes internationaux. Deuxièmement, sur la base de l’assouplissement des mesures début septembre, la baisse serait de 70% des arrivées de touristes internationaux. Troisièmement, s’il n’y a pas d’ouverture avant début décembre, l’organisation prévoit une baisse d’environ 78% des arrivées touristiques. L’OACI estime, de son côté, une réduction globale du nombre de passagers aériens (internationaux et nationaux) de 48% à 62% en 2020 par rapport à 2019.
Figure 1 : Évolution des passagers aériens dans le monde 1945-2020 (Source: Transport aérien OACI)
Compte tenu de l’interdépendance des activités de l’industrie hôtelière avec les vols internationaux, le secteur ne peut commencer sa reprise durable avant l’ouverture totale des frontières internationales et la reprise des vols commerciaux réguliers. Cela pourrait ne pas se produire avant deux ans.
Les revenus des ménages sont impactés et les dépenses consacrées aux vacances ont été les plus affectées.La crise économique du confinement qui s’est enclenché à la suite de la crise sanitaire est sans précédent. De nombreux pays verront leur croissance économique réduite entre 5 à 20% ! Jamais une crise n’a été aussi violente. Ceci a entraîné des licenciements en masse et une perte d’activité pour de nombreuses personnes. Des taux de chômage record sont attendus dans le monde entier. Dans de nombreux pays, le taux de chômage passera la barre symbolique plus de 20%. De nombreuses entreprises ont temporairement réduit leurs activités afin de réduire les coûts, et les employés ont été licenciés, invités à travailler à domicile ou à temps partiel.
La baisse des revenus des ménages entrainera des arbitrages, en termes d’annulation ou de report de dépenses. Or, le premier poste qui se trouve affecté est le poste de dépenses de loisirs et de tourisme. Certains ménages ont annulé leurs plans de vacances, d’autres ont reportés la décision ou ont écourté la durée. Un grand nombre de travailleurs ont été contraint d’épuiser leurs congés payés ne pourront pas se libérer en cas de reprise de l’activité. Certains ont même consommés les congés payés de 2021 ! Même si les conditions sanitaires s’améliorent sensiblement, les contraintes de revenus pèseront sur les dépenses récréatives et sur les dépenses de tourisme.
Évolution des modes de consommation des consommateurs (vert, éco-responsabilité, sécurité).
Si le comportement du consommateur a évolué à l’égard des produits touristiques à court terme, le COVID-19 a modifié également les comportements à long terme. Rester en bonne santé et en sécurité et aider à assurer la sécurité des autres a été la priorité absolue pendant le confinement. Le confinement a forcé à changer les comportements d’achat compulsif des ménages et à leur faire éviter les achats chers, peu sains et non durables. La crise de COVID-19 a poussé à dépenser pour acheter des choses plus essentielles. La fermeture des restaurants et des services de restauration a entraîné une augmentation de la cuisine à la maison, ce qui a amené les gens à penser à une consommation alimentaire saine et aux conséquences possibles de leur comportement d’achat pour l’environnement. Dans le même temps, le recours à des visites virtuelles, à de la consommation de biens culturels à distance a augmenté de manière spectaculaire. Ce boom d’activités numériques dans de nombreux domaines tels que les services à emporter et de livraison, le tourisme virtuel, les rassemblements en ligne, la télémédecine et l’apprentissage et l’exercice à distance, qui peuvent rester forts même lorsque COVID -19 est terminé. Il est possible que ces effets intermédiaires et ces changements de comportement entraînent des changements à long terme dans la consommation durable et respectueuse de l’environnement. Ces tendances ne seront pas marginales et sont à surveiller pour la décennie à venir.
3. Les voies de rétablissement du secteur touristique dans les années à venir
Pour sortir de la crise sectorielle aigüe, plusieurs politiques et recommandations permettraient un retour progressif à la normal. Nous pouvons citer parmi ces voies de rétablissement la mise en place des labels de sécurité et sanitaire au niveau mondial, limiter la capacité d’accueil et augmenter la qualité, accroître l’usage de la technologie, développer le tourisme alternatif et enfin sécuriser le tourisme lié à la location de services privés.
Labels de sécurité élaborées par l’OMT
Des protocoles et des labels de sécurité sont en cours d’élaboration par différentes organisations pour aider à rouvrir l’hospitalité en faisant des problèmes de sécurité sanitaire une priorité absolue. L’OMT a publié une ligne directrice pour aider le secteur du tourisme à sortir plus fort et plus durable de la crise COVID-19, plaçant la sécurité des personnes au premier plan avec l’innovation et la durabilité. La directive souligne l’importance de restaurer la confiance des touristes, par le biais de protocoles de sûreté et de sécurité visant à réduire le risque de propagation du COVID-19, dans l’ensemble de l’écosystème de l’industrie hospitalité.
Le WTTC a conçu un «Safe Travel Stamp», qui est également embrassé par l’OMT. Les protocoles ont été élaborés à la suite de l’expérience des membres du WTTC traitant du COVID19 et sur la base des directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Center for Disease Control and Prevention (CDC). Le «Safe Travel Stamp» permettra aux voyageurs d’identifier les destinations qui ont adopté des protocoles de voyage normalisés en matière de santé et d’hygiène, afin que les touristes puissent voyager en toute sécurité. L’Egypte et la Tunisie ont reçu le « Safe Travel Stamp » du WTTC.
Limiter la capacité et augmenter la qualité
Une des mutations fondamentales du Tourisme serait d’aller vers davantage de prestations de qualité et d’enrichir les services aux clients. Les contraintes actuelles de capacité permettraient d’aller vers ce modèle. D’une part, dès lors que le nombre de clients – par mesure de sécurité – est limitée. Le temps accordé au client, l’écoute du client, la prestation de service devrait augmenter de manière automatique. Cet effort sur la qualité, pourrait permettre de sortir du paradigme du tourisme de masse qui a été destructeur de la nature, des ressources et de la qualité des prestations. Le tourisme “Low Cost” sera fortement remis en cause dans les années à venir pour de nombreuses considérations : écologiques, économiques et politiques. La démocratisation des services touristiques a été accompagnée par une faible création de valeur et une empreinte écologique trop élevée. La Crise du COVID-19 pourrait corriger le modèle d’affaire et instaurer un modèle alternatif ou la qualité primera sur la quantité.
Utilisation intensive et efficace de la technologie : Hospitalité 4.0
Le secteur touristique accélérera la transformation numérique au centre de sa résurgence d’après COVID-19. L’utilisation des technologies à des fins touristiques a augmenté pendant la pandémie de COVID-19. Le confinement a vidé les destinations du monde entier, mais les consommateurs ont pu faire l’expérience du tourisme virtuel depuis leur domicile. Le tourisme virtuel a augmenté et a été bien accueilli au cours de cette période. La possibilité de faire des visites virtuelles de diverses destinations touristiques telles que des musées, des châteaux, des galeries, des expositions, etc. Un intérêt croissant est porté au tourisme virtuel au cours de cette période. Les destinations populaires se concentraient sur des expériences virtuelles permettant aux gens de visiter diverses attractions du monde entier depuis leur domicile.
Pendant le confinement, l’Égypte a lancé plusieurs visites virtuelles des sites archéologiques et patrimoniaux les plus célèbres du pays afin de déplacer ses activités touristiques en ligne et d’encourager les gens à rester chez eux au milieu de la pandémie de coronavirus. Les entreprises touristiques devront investir dans la technologie, car les technologies de l’industrie hospitalité 4.0 continueront d’être demandées même après la pandémie.
Tourisme alternatif et vert
La crise du COVID-19 nous a fait réfléchir sur les effets du tourisme de masse sur l’environnement et sur l’importance du tourisme vert. Afin de réduire l’impact du tourisme sur l’environnement, il est nécessaire de se concentrer sur le tourisme vert et alternatif. D’une part, les entreprises peuvent se concentrer davantage sur l’innovation et investir dans la durabilité et d’autre part, les consommateurs peuvent préférer des comportements plus durables. Le choix de destinations proches et de modes de transport sobres en carbone, ainsi que la création d’incitations pour les opérateurs touristiques à réduire les émissions peuvent contribuer au développement d’un tourisme durable.
Dans le même sens, les hébergements Airbnb ouvrent leurs portes sur la base d’un protocole de nettoyage amélioré pour aider les hôtes à se préparer à l’évolution des besoins des clients pendant COVID-19 et au-delà. Les hôtes Airbnb qui s’inscrivent au « Protocole de nettoyage » recevront une formation et une certification. Des informations sur la prévention du COVID-19 sont fournies dans le protocole, telles que l’utilisation de masques et de gants par les hôtes ou leurs nettoyeurs, ainsi que la façon de nettoyer la propriété avec des désinfectants appropriés. De manière générale, l’industrie touristique sera amenée à privilégier les unités indépendantes aux grands blocs des hôtels classiques. Par conséquent, l’avenir du voyage sera caractérisé par la demande des personnes d’être hébergées dans des unités confortables, avec l’intimité et les avantages comme à la maison évitant les foules.
Pour conclure, l’impact du COVID-19 sur le secteur touristique risque d’être trop élevé à court terme. Des adaptations du secteur à la nouvelle donne montre qu’une résilience est possible. Mais au-delà de la résilience, il convient de noter qu’une transformation structurelle est en train de s’opérer dans le domaine de l’industrie hospitalité (tourisme). A court terme, un véritable plan de relance de ce secteur est nécessaire pour deux motifs essentiels. D’une part, le soutien à l’emploi dans un contexte de chômage fort. L’emploi direct et indirect lié au tourisme est élevé dans des pays comme le Maroc, la Tunisie et l’Egypte. D’autre part, la promotion de la demande intérieure par des politiques ciblées pour des motifs socio-psychologiques. Compte tenu des impacts psychologiques du confinement, le soutien des autorités publiques pourrait être argumenté de manière sanitaire. Des interventions publiques, comme c’est le cas de la politique des chèque vacances pratiqué par le département des Alpes Maritimes pour soutenir le tourisme local est à suivre. A moyen terme, la crise du COVID-19 est une opportunité pour opérer un changement de modèle économique et une transformation digitale forte. L’ancien modèle d’affaire des industries touristiques dans la région MENA devrait être revu en profondeur, notamment celui pratiqué en Tunisie.
Force est de reconnaître que l’éducation et l’enseignement supérieur ont été parmi les secteurs les plus perturbés par la crise récente du confinement. Ceci a concerné tous les pans de l’éducation : maternelle, primaire, secondaire et tertiaire. Les restrictions de mobilité ont concerné en premier lieu les populations jeunes (écoliers, lycéens et étudiants) qui étaient désignées comme les vecteurs par excellence de la transmission de la maladie (COVID-19). La fermeture des écoles et des universités a été presque immédiatement adoptée dans le monde entier. De nombreux pays sont passés par une période d’arrêt total des cours avant même l’instauration du confinement total de la population. Mieux, lors du dé-confinement partiel, de nombreux pays continuent d’interdire les enseignements en mode présentiel (Face-to-Face).
Au final, le second semestre a été fortement perturbé. La continuité pédagogique bricolée et les prises de décision sur la réussite de l’année 2020 sont pour le moins « innovantes » et sortent de l’ordinaire. Pour sauver l’année universitaire, certains pays ont instauré la reprise des cours pendant les mois d’été en mode présentiel (pour une courte période comme c’est le cas en Tunisie), d’autres pays ont laissé le choix aux universités de décider l’annulation des résultats du second semestre ou la mise en place de modalités allégées. D’autres pays comptent sur la rentrée 2020/2021 pour revenir sur les savoirs non construits pendant le second semestre de cette année universitaire.
Mais l’inquiétude et l’incertitude portent sur les conditions de la reprise des enseignements en septembre 2020. Nombre d’universités, à l’échelle mondiale, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles n’accueilleront pas d’étudiant en mode présentiel à l’automne 2020[1]. Ceci est le cas de plusieurs universités canadiennes – qui ont annoncé qu’elles poursuivaient leurs cours en ligne même au cours du semestre d’automne. La plupart des cours de l’Université McGill, de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université de Montréal et de l’Université de Victoria resteront en ligne au cours du semestre d’automne. Environ 2100 cours d’automne seront en ligne à l’Université du Texas à Austin, soit environ 20% de tous les cours offerts par cette université. Les étudiants ont la possibilité de choisir de suivre tous leurs cours en ligne et de ne pas retourner sur le campus. De même, l’Université du Maryland a annoncé que chaque campus est susceptible d’héberger un certain nombre de cours en ligne, même si les étudiants sont sur le campus. L’Université de Cambridge au Royaume-Uni a déjà annoncé que la prochaine année académique restera en ligne et n’organisera pas de cours en face à face à cause du coronavirus. Université d’État de Californie, le plus grand réseau universitaire public du pays a annoncé que les cours de ses 23 campus seront presque exclusivement en ligne au cours du semestre d’automne. En France, la Ministre de l’Enseignement supérieur a laissé le choix aux présidents d’université d’organiser la rentrée comme ils le souhaitent, mais avec une forte recommandation de recourir à l’enseignement à distance. D’autres universités dans le monde sont dans l’expectative et observent l’évolution de la situation sanitaire.
Ayant été au cœur des discussions sur les évolutions du modèle d’enseignement supérieur durant les deux dernières décennies[2], mon analyse de la crise du confinement me conduit à proposer aujourd’hui quelques propositions sur les évolutions attendues dans l’ère post-COVID-19 de ce secteur. La crise du COVID-19 accélèrera essentiellement deux tendances : d’une part, le choc digital invitant les universités à moins parler de transformation digitale et à davantage la pratiquer et, d’autre part, la prise en compte explicite des aspirations « nouvelles » des étudiants, jusque-là faiblement traduites dans les programmes – comme la problématique des changements climatiques et de la protection de l’environnement.
Nous exposerons dans cette note quatre réorganisations majeures en relation avec l’ère du post-COVID de l’enseignement supérieur. Premièrement, les technologies digitales nécessitent des adaptations locales et surtout un changement profond du modèle organisationnel qui accompagne leur mise en œuvre. La crise du COVID-19 va accélérer l’articulation des deux. Deuxièmement, une des causes principales du faible changement est relative aux enseignants et leurs postures à l’égard des technologies digitales. Les enseignants du supérieur sont ceux qui ont résisté le plus au changement de modèle et d’approche et constituent le frein/accélérateur au passage à un autre modèle éducationnel. la crise du COVID-19 semble avoir fait basculer la situation. Troisièmement, il conviendrait de tenir compte des conditions sociales, sanitaires et de travail des étudiants. Les étudiants semblent subir de plein fouet la crise et des fractures numériques, sanitaires et sociales importantes que l’on ne peut ignorer sont à traiter d’urgence dès la rentrée prochaine. L’après COVID-19 est à dessiner en prenant en compte les urgences estudiantines. Quatrièmement, enfin, les programmes doivent s’adapter aux préoccupations et aux caractéristiques des nouvelles générations (X, Y et Z)[3] – à la tête desquelles arrivent aujourd’hui les préoccupations environnementales, climatiques et de justice sociale. Cette jeunesse admet des aspirations qui sont mal ou peu prise en comptes par les programmes de formation. Ces aspirations touchent aussi bien les contenus que la forme de l’enseignement. L’ère d’après COVID-19 devrait les refléter clairement.
Les deux premiers points ont été abordés dans la première partie de cet article.
Nous exposons ici, la suite de l’argumentaire (les deux derniers points).
- Les étudiants subissent des fractures numériques, sanitaires et sociales importantes que l’on ne peut ignorer davantage !
La décision de fermer les établissements d’enseignement en raison de l’épidémie du COVID-19 a mis en lumière les fractures numériques, sanitaires et sociales dont souffrent les étudiants. Ces inégalités existaient avant même la crise du COVID-19, mais elles ont été exacerbées et devenues plus apparentes. Elles ne peuvent plus être ignorées. Des millions d’étudiants ont été invités à rester à leur domicile et à être confinés dans des conditions de vie particulières (apprentissage en ligne, absence d’interactions sociales physiques, perte des jobs étudiants, discontinuité avec la famille pour certains, limitation des activités physiques et survie dans des espaces exigus). Le niveau de stress et d’angoisse des étudiants a été plus élevé. Les conditions de vie sociale étant modifiées – en étant loin des amis et de l’environnement universitaire – les étudiants ont été conduit à faire des choix douloureux.
Les fractures numériques sont encore des réalités[4] en 2020. Malgré les avancées technologiques récentes, les systèmes éducatifs n’ont pas été préparé à un passage rapide à des nouvelles pratiques adaptées à la nouvelle donne internationale (la crise du COVID-19). En dépit d’un investissement important dans les outils, la plupart des établissements n’avaient pas fait évoluer leurs stratégies et approches pour qu’un basculement instantané s’opère. Mais la crise du COVID-19 nous a aussi fait apprendre que L’évolution des modes d’apprentissage se heurtent à des obstacles importants particulièrement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire liés à la faiblesse de l’équipement. Face au manque d’infrastructures TIC et à une situation socio-économique difficile, la fracture numérique devient plus apparente au cours de la période COVID-19. Selon l’Union Internationale des Télécommunications (IUT)[5], avant l’épidémie du COVID-19, seulement 19% de la population des pays les moins avancés (PMA), 47% de la population des pays en développement et 86% de la population des pays développés utilisaient l’Internet. Dès lors, le passage à l’apprentissage en ligne a davantage d’impact sur les familles à faible revenu et sur les pays moins développés. Selon les données de l’OCDE[6], si 95% des étudiants norvégiens, autrichiens et suisses disposent d’un accès Internet fiable, seuls 34% des étudiants indonésiens y ont accès. Environ 90% des jeunes en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à des appareils électroniques et environ 82% sont incapables de trouver une connexion réseau sécurisée pour se connecter. Le basculement vers le E-learning a été accompagné par des dispositifs de fortune pour compenser l’absence d’équipement. Certaines universités ont tout simplement acheté des ordinateurs ou prêter des ordinateurs aux étudiants qui ont formulé le besoin. Ceci nous conduit à dire que s’assurer d’un équipement minimal des étudiants à la rentrée 2020/2021 est fondamental.Des politiques économiques d’un étudiant un appareil (à la location ou à l’achat) devraient être généralisées.
Dans les pays où l’Internet est si inaccessible à la grande majorité de la population, l’éducation à distance via l’utilisation des plateformes numériques sera élitiste et contribuera à creuser les inégalités. Ces inégalités sont présentes dans les pays développés également. En France, plusieurs études ont mis l’accent sur cet aspect.
Dans la même veine, évoquer les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants en raison de la transition du système éducatif, nous amène à mentionner également les étudiants handicapés. Les étudiants handicapés peuvent rencontrer des problèmes d’accès aux outils d’apprentissage en ligne ou aux moyens de communication, et leur niveau de stress peut augmenter, ce qui entraîne des risques pour leur santé. Pour ces étudiants, un équipement et un traitement spéciaux sont probablement nécessaires, ce qui augmente le coût de l’équipement adéquat pour un enseignement efficace à distance.
Sur un point de vue social et financier la crise du COVID-19 a particulièrement touché la population étudiante. De nombreux étudiants assurent leur autonomie financière par le travail-étudiant. Ils sont employés sur le campus ou à proximité du campus dans le secteur des services (cafés /bars/ restaurants/ hôtels/ livraison…). Ils ont été contraints de quitter leur emploi et de rentrer chez eux ou de regagner leurs résidences universitaires sans pouvoir travailler. Beaucoup d’entre eux ont peut-être été contraints de trouver du travail ailleurs – à des conditions moins favorables – ou à rentrer dans des dispositifs d’aides sociales. Les étudiants subsahariens en Afrique du Nord (Tunisie et Maroc) ont été fortement impactés par cette crise et ne pouvaient regagner leur pays natal. Il a fallu compter sur la générosité des populations. Ces moments marqueront à vie ces populations jeunes dont l’avenir s’est assombri subitement. Pour la rentrée prochaine, nous assisterons probablement à deux phénomènes : d’une part, des étudiants cherchant à s’inscrire près de chez eux (pour limiter les dépenses) et, d’autre part, des étudiants s’inscrivant complètement à distance dans des universités étrangères. Sans rentrer dans la spéculation, la mobilité des étudiants sera moindre après la crise du COVID-19.
Le COVID-19 a fortement impacté et risque d’impacter de manière durable les conditions financières des étudiants dans les années à venir (si la crise s’installe dans le temps). Des dispositifs spéciaux devraient être mis en place pour assurer la viabilité des études. Pour les écoles de commerce et les universités libres, le COVID-19 risque d’être répercuté sur les droits à l’entrée et sur la capacité des étudiants à s’endetter pour financer leurs études. Le débat fait rage en Amérique du nord sur le remboursement des frais de scolarité du semestre perturbé.
Plus généralement, nous ne devrions pas ignorer la question de savoir comment les étudiants seront affectés pendant la période de récupération après la crise COVID-19? La crise causée par COVID-19 a causé du stress aux étudiants les plus vulnérables, et certainement dans un monde post-COVID-19, ce groupe d’étudiants sera encore le plus touché. Pour cette raison, des mesures doivent maintenant être prises pour identifier les étudiants les plus susceptibles de rencontrer des problèmes psychologiques, des problèmes d’équipement à l’enseignement à distance, des problèmes de financement des études et de comprendre leurs besoins afin d’y répondre avec un système de soutien qui peut les aider à poursuivre leurs études après la fin de COVID-19.
Cette crise, accélère toutes les tendances, y compris le potentiel d’exacerber les inégalités dans le système d’enseignement supérieur. Des interventions doivent être faites pour assurer le bien-être des étudiants dès la rentrée prochaine. Pour y parvenir, il ne suffit pas d’engager uniquement les établissements d’enseignement supérieur, des programmes gouvernementaux doivent également être mis en œuvre. Les étudiants n’ont pas été pris en compte de manière explicite dans les politiques de distribution et de soutien gouvernementaux. Un package spécifique pour les étudiants devrait être négocié par les universités auprès des gouvernements pour leurs étudiants et pourquoi pas un revenu universel étudiant dès la rentrée 2020/2021.
- Les programmes doivent s’adapter aux préoccupations des générations X, Y et Z – les préoccupations environnementales et climatiques !
Assez souvent les enseignants oublient qu’ils ont en face dans leurs amphis déjà la génération Z ! En effet, alors la génération X a traversé toute la période de l’évolution technologique, la génération Y est connue comme des natifs numériques et la génération Z est entrée dans ce monde entourée de technologie. La génération X est à l’aise avec les nouvelles technologies, mais ne dépend pas beaucoup de leur utilisation comme les prochaines générations. Compte tenu des nouveaux changements survenus dans le système éducatif pendant la pandémie de COVID-19, les enseignants doivent se recycler et se perfectionner afin de réussir l’apprentissage de leurs élèves.
La perturbation du système universitaire par la pandémie du COVID-19 a amené les enseignants du monde entier à envisager la nécessité de repenser la manière dont les générations futures seront éduquées. En effet, l’enseignement a été transformé en partie et est passé en ligne (du moins envisagé à minima comme mixte – blended – et que les enseignants sont confrontés à de nouvelles manières de communiquer avec leurs étudiants. Il est venu le moment de réfléchir et de mettre en œuvre des stratégies pour mieux éduquer la génération X et les autres générations futures.Par conséquent, le système universitaire a besoin de changements conceptuels et opérationnels profonds pour développer des programmes fondés sur les préoccupations des générations X, Y et Z. Parmi ces nouvelles préoccupations il convient de noter la montée en force des préoccupations environnementales, climatiques et de justice sociale, comme témoigne la vague de manifestations internationales par les étudiants durant l’année 2019.
La plupart des systèmes universitaires traditionnels ne sont encore pas passés à des méthodes d’apprentissage fondées sur l’apprenant (learner based approaches). Ils utilisent des techniques qui impliquent faiblement l’étudiant dans l’interaction pendant le processus d’apprentissage. De ce fait, on constate un manque d’attention des étudiants lors des processus d’apprentissage. De nombreux enseignants continuent de concevoir la leçon en ne parlant qu’eux-mêmes et en ne laissant aucune place aux interventions des étudiants. Ce système devrait être remplacé par un système, où l’étudiant est au centre du processus d’apprentissage. L’étudiant devrait recevoir une attention particulière et un espace pour exprimer pleinement ses pensées et ses réflexions. Par exemple, il serait très difficile d’apprendre une langue si nous n’y étions pas impliqués. L’essence d’une langue étant la communication, l’interaction jouerait alors un rôle important dans l’acquisition de cette langue. En d’autres termes, l’étudiant devrait recevoir plus d’attention et être autorisé à participer au développement de la leçon. Il est malheureux de parler de ça en 2020, mais c’est une réalité à ne pas nier !
Le format d’interaction enseignant-étudiant devrait évoluer de cette manière pour développer les discussions et analyser, synthétiser et donc développer la pensée critique. Ceci est particulièrement important pour le développement de l’apprentissage universitaire, où les étudiants sont mis au défi d’exprimer leurs idées et d’acquérir des connaissances approfondies. Cela nécessite souvent un dialogue et une conversation, soit un par un entre l’instructeur et les étudiants, soit entre un instructeur et un groupe d’étudiants, soit de manière horizontale entre étudiants. L’interaction élève-enseignant prend du temps, elle est donc souvent négligée par les enseignants. Mais, ils doivent garder à l’esprit que le rôle de l’enseignant envers l’élève est vraiment critique. Il devrait davantage modérer et faciliter l’apprentissage que prodiguer les savoirs en posture du Maître. Dans ce cadre de nouvelles compétences sont nécessaires.
De nos jours, les étudiants peuvent acquérir des connaissances de manière plus simple. L’utilisation de la technologie leur donne la capacité de disposer de diverses connaissances en quelques clics sur leurs appareils intelligents. Sur cette base, le rôle de l’enseignant en cours devrait changer en encourageant les élèves à être une partie active de la classe et en augmentant l’interaction pendant le processus d’apprentissage. Il est impératif que les enseignants conçoivent leurs programmes d’études de manière à faciliter le développement de l’éducation des jeunes générations et à les préparer au mieux à affronter un futur incertain.
Aujourd’hui, la génération Z représente la majorité des étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur. Cette génération est considérée comme une génération qui a grandi sous l’influence de la mondialisation et la technologie. La génération Z est définie par l’utilisation de la technologie et a tendance à travailler en collaboration afin de résoudre les défis mondiaux tels que le changement climatique. Les jeunes sont très préoccupés par ce changement climatique et voudraient y contribuer. Les jeunes du monde entier ont exprimé et expriment encore leurs préoccupations concernant le changement climatique, et leur désir de voir les gouvernements changer d’optique et de politiques économiques.
En 2019, des centaines de milliers d’étudiants ont pris l’initiative dans le monde entier, séchant les cours et se joignant pour protester et faire entendre leur voix contre le fait de ne pas agir pour combattre changement climatique. Les nouvelles générations s’inquiètent de l’avenir de la planète et demandent vraiment un changement profond du modèle éducatif. Cette préoccupation devrait être prise en compte de manière explicite dans les programmes universitaires. Malheureusement, l’offre demeure en deçà des désirs des étudiants qui voudrait une véritable inflexion dans les programmes pour parler davantage de résilience, d’objectifs du développement durable, de soutenabilité, d’adaptation aux changements climatiques. Le COVID-19 offre une occasion à ne pas rater pour modifier l’offre de formation et apporter davantage d’enseignements en phase avec les attentes des étudiants.
Pour finir, le COVID-19 offre une occasion de revoir en profondeur l’expérience d’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Celle-ci passe par un réel changement de modèle organisationnel et opérer une véritable rupture (disruption). Les enseignants devraient être pris en compte de manière particulière dans cette rupture, car la nature de leur métier se modifie en profondeur. De nouvelles compétences sont à acquérir et de nouveaux rôles devraient être endossés. Dans le même temps, la crise du COVID-19 a profondément touchée la population étudiante qui en sort fortement fragilisée. Un pacte avec les étudiants est à mettre en place d’urgence avec des dispositifs psychologiques, financiers et numériques. Enfin, le modèle d’éducation devrait prendre en compte davantage les caractéristiques de la nouvelle génération et ses aspirations. Les curricula sont à revoir dans ce sens. Dans l’enseignement supérieur, il y aura un avant et un après COVID-19.
Pour aller plus loin :
Ben Youssef, A., Omrani, N., et Mounir Dahmani (2010), “The determinants of students’ e-skills in higher education: Evidence from France in 2010”, Education and Information Technologies, August. pp. 1-19, 2013.
Ben Youssef, A., Ben Abdelkarim, O., Gueye, M., & Soucat, A. (2014) “New Education Model for Africa”, in One Billion People One Billion Opportunities Building Human Capital in Africa, edited by Agnes Soucat and Mthuli Ncube, Communications Development Incorporated, Washington, D.C. with (Chapter 17). 2014.
Ben Youssef, A., Charo, R., Ben Abdelkarim, O., & Guesmi, S. (2014) “New Business Models for Higher Education in Africa”, in One Billion People One Billion Opportunities Building Human Capital in Africa, edited by Agnes Soucat and Mthuli Ncube, Communications Development Incorporated, Washington, D.C. With (Chapter 18). 2014
[1] Exemples à donner
[2] Les implications des TIC sur le secteur de l’enseignement supérieur (numéro spécial Réseaux, 2009), Ben Youssef, A. et Rallet, A (2009) “Les enjeux de la numérisation de l’enseignement supérieur en Europe”, Réseaux, N°155, Vol. 27 juillet/septembre 2009, pp. 9-20.
Ben Youssef Adel, David Castillo et Mikäel Sjoborg (2008) Economics of E-LEARNING – UOC editions CARCELONA (Avec) (2008)
[3][3] La génération X sont des personnes nées entre 1965 et 1981, connues pour des valeurs telles que l’individualisme, l’ambition et la dépendance au travail qui se transforment en bourreau de travail. Ils grandissent au cours de l’évolution technologique. La génération Y sont des personnes nées entre 1982 et 1994, connues sous le nom de “digital natives” car la technologie fait partie de leur vie quotidienne. La génération Z fait référence à la génération qui est née entre 1996 et 2010, après les milléniaux. Cette génération a été élevée à l’Internet et aux médias sociaux et leur mode de vie est influencé par les technologies.
[4] Ben Youssef (2004), Les quatre fractures numériques, Réseaux, N°127-128.
[5]https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/FactsFigures2019.pdf
Force est de reconnaître que l’éducation et l’enseignement supérieur ont été parmi les secteurs les plus perturbés par la crise récente du confinement. Ceci a concerné tous les pans de l’éducation : pré-primaire, primaire, secondaire et tertiaire. Les restrictions de mobilité ont concerné en premier lieu les populations jeunes (écoliers, lycéens et étudiants) qui étaient désignées comme les vecteurs par excellence de la transmission de la maladie (COVID-19). La fermeture des écoles et des universités a été presque immédiatement adoptée dans le monde entier. De nombreux pays sont passé par une période d’arrêt total des cours avant même l’instauration du confinement total de la population. Mieux, lors du dé-confinement partiel, de nombreux pays continuent d’interdire les enseignements en mode présentiel (Face-to-Face).
Au final, le second semestre a été fortement perturbé. La continuité pédagogique bricolé et les prises de décision sur la réussite de l’année 2020 sont pour le moins « innovantes » et sortent de l’ordinaire. Pour sauver l’année universitaire, certains pays ont instaurés la reprise des cours pendant les mois d’été en mode présentiel (pour une courte période comme c’est le cas en Tunisie), d’autres pays ont laissé le choix aux universités de décider l’annulation des résultats du second semestre ou la mise en place de modalités allégées. D’autres pays comptent sur la rentrée 2020/2021 pour revenir sur les savoirs non construits pendant le second semestre de cette année universitaire.
Mais l’inquiétude et l’incertitude portent sur les conditions de la reprise des enseignements en septembre 2020. Nombre d’universités, à l’échelle mondiale, ont d’ores et déjà annoncés qu’elles n’accueilleront pas d’étudiants en mode présentiel à l’automne 2020[1]. Ceci est le cas de plusieurs universités canadiennes – qui ont annoncé qu’elles poursuivaient leurs cours en ligne même au cours du semestre d’automne. La plupart des cours de l’Université McGill, de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université de Montréal et de l’Université de Victoria resteront en ligne au cours du semestre d’automne. Environ 2100 cours d’automne seront en ligne à l’Université du Texas à Austin, soit environ 20% de tous les cours offerts par cette université. Les étudiants ont la possibilité de choisir de suivre tous leurs cours en ligne et de ne pas retourner sur le campus. De même, l’Université du Maryland a annoncé que chaque campus est susceptible d’héberger un certain nombre de cours en ligne, même si les étudiants sont sur le campus. L’Université de Cambridge au Royaume-Uni a déjà annoncé que la prochaine année académique restera en ligne et n’organisera pas de cours en face à face à cause du coronavirus. Université d’État de Californie, le plus grand réseau universitaire public du pays a annoncé que les cours de ses 23 campus seront presque exclusivement en ligne au cours du semestre d’automne. En France, la Ministre de l’Enseignement supérieur a laissé le choix aux présidents d’université d’organiser la rentrée comme ils le souhaitent, mais avec une forte recommandation de recourir à l’enseignement à distance. D’autres universités dans le monde sont dans l’expectative et observent l’évolution de la situation sanitaire.
Ayant été au cœur des discussions sur les évolutions du modèle d’enseignement supérieur durant les deux dernières décennies[2], mon analyse de la crise du confinement me conduit à proposer aujourd’hui quelques propositions sur les évolutions attendues dans l’ère post-COVID-19 de ce secteur. La crise du COVID-19 accélèrera essentiellement deux tendances : d’une part, le choc digital invitant les universités à moins parler de transformation digitale et davantage la pratiquer et, d’autre part, la prise en compte explicite des aspirations « nouvelles » des étudiants, jusque-là faiblement traduites dans les programmes – comme la problématique des changements climatiques et de la protection de l’environnement.
Nous exposerons dans cette note quatre réorganisations majeures en relation avec l’ère du post-COVID de l’enseignement supérieur. Premièrement, les technologies digitales nécessitent des adaptations locales et surtout un changement profond du modèle organisationnel qui accompagne leur mise en œuvre. La crise du COVID-19 va accélérer l’articulation des deux. Deuxièmement, une des causes principales du faible changement est relative aux enseignants et leurs postures à l’égard des technologies digitales. Les enseignants du supérieur sont ceux qui ont résisté le plus au changement de modèle et d’approche et constituent le frein/accélérateur au passage à un autre modèle éducationnel. la crise du COVID-19 semble avoir fait basculer la situation. Troisièmement, il conviendrait de tenir compte des conditions sociales, sanitaires et de travail des étudiants. Les étudiants semblent subir de plein fouet la crise et des fractures numériques, sanitaires et sociales importantes que l’on ne peut ignorer sont à traiter d’urgence dès la rentrée prochaine. L’après COVID-19 est à dessiner en prenant en compte les urgences estudiantines. Quatrièmement, enfin, les programmes doivent s’adapter aux préoccupations et aux caractéristiques des nouvelles générations (X, Y et Z) – à la tête desquelles arrivent aujourd’hui les préoccupations environnementales, climatiques et de justice sociale. Cette jeunesse admet des aspirations qui sont mal ou peu prise en comptes par les programmes de formation. Ces aspirations touchent aussi bien les contenus que la forme de l’enseignement. L’ère d’après COVID-19 devrait les refléter clairement.
1.L’ère post covid-19 invite à opérer un changement organisationnel profond du modèle d’enseignement supérieur !
Il aurait fallu deux décennies et une crise sans précédent pour parler du changement organisationnel profond dans l’enseignement supérieur. Nos formats de cours, nos modes de transmission des savoirs, notre rythme des enseignements, le rythme et les modalités des examens, le rapport enseignant-étudiant ne sont plus adaptés à l’époque moderne et au 21 ème siècle[3]. La crise du confinement a mis à nu ce modèle désuet et inadapté !
Une des réponses les plus importantes au paradoxe de la productivité de Robert Solow[4] – selon lequel l’équipement informatique a progressé partout alors que la productivité est restée inchangée – est l’absence de changements organisationnels profonds pour accompagner le déploiement de ces technologies. En effet, pour obtenir le dividende digital, il est important de changer l’organisation interne des universités. Or, force est de constater que le modèle d’organisation de l’université est resté identique à lui-même, depuis les années 1970. Il n’a été retouché que de manière cosmétique.
Alors même que la technologie a progressé de partout et que la rupture ne cesse de se manifester dans les secteurs productifs, le changement organisationnel est resté trop faible pour permettre aux universités de tirer profit pleinement des apports des nouvelles technologies (Ben Youssef et Rallet, 2009)[5]. Ceci a conduit, dans certains cas, à une désorganisation profonde de l’expérience d’apprentissage[6]. Un exemple parlant de cette désorganisation concerne la répétition, dans certaines universités, de certains cours en mode leçon magistral, alors même que la majorité des étudiants ont des supports numériques des leçons (supports obtenus par les anciens étudiants ou à partir de l’Internet). Bonjour l’ennui ! Pire, les étudiants ayant subis des cours en mode copié-collé, sont alors eux-mêmes tenté par rendre des devoirs en mode copié-collé. Une dégradation des interactions est alors perceptible et des étudiants exaspérés par ces expériences se comptent par des dizaines de milliers.
La forme des examens, le rythme des interactions…nécessitent des changements profonds !
Dans la plupart des universités, les contraintes logistiques sont la variable clé. On recourt alors à des interactions hebdomadaires d’une séance de 3 heures pour les cours magistraux et de 1H30 pour les séances de travaux dirigés ou les T.P. Dans le même temps, les locaux sont inexploités pendant 60% du temps ! Cela n’a pas bougé depuis un demi-siècle, alors même que l’attention des usagers a changé et les technologies digitales sont pour beaucoup dans ce changement ! Les sciences cognitives ont montré un profond changement dans notre manière d’apprendre avec ces nouvelles technologies. La variable clé est devenue alors l’attention. Or il est difficile de garder l’attention de nos étudiants plus de 45 minutes en général…à quoi bon les ennuyer pendant 3 heures?
Les écoles de commerce et les universités privées, poussés par une plus grande prise en compte de leurs utilisateurs-payeurs, ont mieux adapté l’expérience d’enseignement et ont davantage modifiés leurs programmes que les universités publiques. Les innovations sont perceptibles sur les formes et le contenu des interactions. L’université publique est restée prisonnière d’un débat idéologique de la période de la guerre froide, d’un syndicalisme peu efficace, d’une marginalisation de la prise en compte des étudiants dans la définition du modèle éducatif et de formes de gouvernance à la marge des évolutions technologiques. La rupture est davantage un concept qu’une pratique. L’accumulation de capital technologique depuis 30 ans dans les universités n’a eu aucun impact sur l’amélioration de la qualité de l’éducation ! Pire, une véritable évaluation de cette politique manque à ce mon sens (Ben Youssef, Dahmani et Ragni, 2020)[7]!
La rupture sera le maître mot de la prochaine période (post COVID-19). Dès lors que le confinement a imposé un enseignement à distance généralisé (souvent improvisé et bricolé). Il convient de constater que certaines barrières sont tombées et de nombreux réfractaires sont passés à ce nouveau modèle par obligation et nécessité. Certaines expériences ont été des réussites. Les étudiants ont même pris goût aux webinaires et ont participé activement en fonction de leurs intérêts. Mais le manque de socialisation a été criant et la nécessité d’interactions physique a manqué. L’hybridation des cours est à généraliser et il est temps de réinventer de nouveaux rythmes qui s’adaptent mieux aux contraintes des étudiants et à la logique du nouveau monde.
Un des points les plus importants à revoir dans ce changement organisationnel concerne les examens et les régimes d’examen. En effet, les examens et les certifications sont à repenser ! La logique des sessions d’examen est peut-être révolue. Les cours massifs à distance (MOOCs) ont montré qu’une approche modulaire pourrait être plus souple et que la certification devrait être ouverte sur toute l’année universitaire. Mieux, il est temps d’imaginer plus de sessions sur une année universitaire et de faire éviter des redoublements inutiles. Il est possible d’exploiter toutes les périodes de l’année. L’organisation des examens pose un problème logistique important, en général. Or, il a fallu être innovant pour sauver cette année universitaire et de nouvelles modalités de certifications des compétences ont été adoptées. Elles sont peut-être des prémisses à ce que pourrait être la future certification des compétences dans le système universitaire.
D’autres aspects de ce changement organisationnel profond ne peuvent être débattus ici mais sont aussi nécessaires à mettre en oeuvre rapidement.
2.Les enseignants universitaires sont les acteurs et/ou les freins au changement organisationnel et à la mise en place des ruptures technologiques !
Les travaux académiques montrent de manière très claire l’importance du profil de l’enseignant sur la réussite aux examens des étudiants. Les enseignants ne sont pas uniquement des vecteurs de diffusion des savoirs, ils sont également des modèles et des inspirateurs pour leurs étudiants. Lors d’un projet européen au début des années 2000 (ELENE-TT), j’ai eu l’occasion de travailler sur l’identification des compétences nouvelles à acquérir par les universitaires pour un usage efficace des technologies digitales. A l’époque, quinze ans en arrière, nous avons identifié plus de cinquante nouvelles compétences !
Utiliser de manière efficace les nouvelles technologies nécessite des processus d’apprentissage organisé et des processus d’apprentissage informels[8]. Cet apprentissage n’est pas organisé et est laissé à la bonne volonté des enseignants. Souvent mis en place de manière inadapté aux besoins exprimés et pensé de manière pyramidale selon une conception unilatérale par les gouvernances universitaires[9].
Le facteur déterminant du non-changement est lié au système des incitations et de rémunération qui ne prend pas en compte de manière explicite l’activité de l’enseignant dans l’espace numérique – dont l’investissement en temps est élevé. En effet, les interactions en ligne et le temps passé avec les étudiants en ligne n’est pas pris en compte dans le décompte des heures de travail (services). L’effort est faiblement récompensé et est laissé au bon vouloir des enseignants. Aucune obligation légale de répondre aux courriels et à la continuité de l’activité pédagogique en ligne. Or cet apprentissage asynchrone est devenu une forme dominante de l’apprentissage.
L’innovation pédagogique est comprise de manière anecdotique. En l’absence de modification substantielle des incitations, le changement n’a pas eu lieu. Mais le contexte du COVID19 a fait évoluer les choses de manière rapide ! On ne parle plus d’heures d’enseignement devant les étudiants de manière physique ! Une véritable révolution dans le milieu universitaire. Une équivalence explicite entre enseignement en interaction présentiel et enseignement en ligne a été adopté partout dans le monde. Et l’enjeu, c’est la découverte de la richesse et la complexité de passer à d’autres formes d’apprentissage. Trois heures sont une éternité en ligne ! Les étudiants ne sont pas homogènes et il est nécessaire de différencier et individualiser les apprentissages. Les apprentissages en mode asynchrone sont importants, aussi important que les apprentissages synchrones. La maîtrise des outils a été accélérée et l’acquisition de nouvelles compétences une nécessité.
Ce changement a été est également poussé par les étudiants. Dès lors que les générations X, Y et Z se sont mises à se manifester devant les enseignants, dès lors que l’équipement a atteint des records, il a fallu alors s’adapter. C’est encore cette logique d’adaptation qui prévaut et non pas une modification de l’expérience d’enseignement selon une nouvelle approche (participative, interactive centré sur l’apprenant).
Le secteur de l’enseignement supérieur est autogéré par les enseignants eux-mêmes. Ils définissent les normes, les modes de régulation, les modalités de recrutement et de gouvernance. C’est un avantage et une limite forte. Car de leur conviction et perception de la technologie dépendent les usages. Or, force est de constater que la perception des avantages progresse faiblement, y compris après quatre générations de technologies digitales. Ceci me fait penser à la perception des responsables des départements des systèmes informatiques du cloud computing dans les années 2010 !
En cette période de crise, lorsque l’apprentissage a évolué en ligne, il est obligatoire de mettre à niveau les compétences des enseignants et leur disposition à s’engager dans des plateformes numériques et à reformuler les modèles d’apprentissage pour tirer le meilleur parti des ressources et des outils numériques. La rentrée 2020/2021 est une rentrée qui devrait être sous le signe du changement organisationnel et changement de méthode avec un apprentissage accéléré des enseignants.
L’épisode du COVID-19 n’est qu’un prémisse à un changement d’ère…surtout pour l’enseignement supérieur. Même si cela n’a pas été prévu, les établissements d’enseignement deviennent des «établissements d’enseignement virtuels» et leur fonction ne sera pas comme d’habitude dans un avenir proche. Post Covid-19 est une excellente occasion de transformer le système d’enseignement supérieur. Les établissements d’enseignement supérieur devraient saisir cette opportunité pour se transformer et les enseignants devraient être prêts à adapter ces changements. Les enseignants ne devraient pas voir les changements qui se sont produits pendant la crise de confinement juste « un changement », mais comme un changement dont dépend fortement le succès du futur enseignement supérieur.
À suivre… (Partie 2)
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Autre Références en lien avec cet article :
Ben Youssef, A., Omrani, N., et Mounir Dahmani (2010), “The determinants of students’ e-skills in higher education: Evidence from France in 2010”, Education and Information Technologies, August. pp. 1-19, 2013.
Ben Youssef, A., Ben Abdelkarim, O., Gueye, M., &Soucat, A. (2014) “New Education Model for Africa”, in One Billion People One Billion Opportunities Building Human Capital in Africa, edited by Agnes Soucat and Mthuli Ncube, Communications Development Incorporated, Washington, D.C. with (Chapter 17). 2014.
Ben Youssef, A., Charo, R., Ben Abdelkarim, O., &Guesmi, S. (2014) “New Business Models for Higher Education in Africa”, in One Billion People One Billion Opportunities Building Human Capital in Africa, edited by Agnes Soucat and Mthuli Ncube, Communications Development Incorporated, Washington, D.C. With (Chapter 18). 2014
[1] Exemples à donner
[2] Les implications des TIC sur le secteur de l’enseignement supérieur (numéro spécial Réseaux, 2009), Ben Youssef, A. et Rallet, A (2009) “Les enjeux de la numérisation de l’enseignement supérieur en Europe”, Réseaux, N°155, Vol. 27 juillet/septembre 2009, pp. 9-20.
Ben Youssef Adel, David Castillo et MikäelSjoborg (2008) Economics of E-LEARNING – UOC éditions CARCELONA (Avec) (2008)
[3]Ben Youssef, A. et Dahmani, M. (2008) “The impact of ICT’s on students’ performance in Higher Education: Direct effects, indirect effects and Organizational change”. University and Knowledge Society Journal (RUSC), Vol. 5, N°1, Mars, pp. 45-56. 2008.
[4]Solow, Robert M. 1987. “We’d Better Watch Out.” New York Times Book Review, July 12, 36.
[5]Ben Youssef, A. et Rallet, A (2009) “Les enjeux de la numérisation de l’enseignement supérieur en Europe”, Réseaux, N°155, Vol. 27 juillet/septembre 2009, pp. 9-20.
[6]Ben Youssef, A. et Ragni, L. (2008) “Uses of Educational Information and Communication Technologies: from Digital Divides to Digital Trajectories”. University and Knowledge Society Journal (RUSC), Vol. 5, N°1, Mars 2008, pp. 70-82. 2008.
[7]Ben Youssef, A. Dahmani, M, et Ragni, L. (2020) Technologies de l’information et de la communication, compétences numériques et performances académiques des étudiants, Working Paper GREDEG 2020-26.
[8]Ben Youssef, A., Ben Youssef H., et Mounir Dahmani (2013) “Higher Education Teachers E-skills and the Innovation Process” International Journal of Computer and Information Technology, Mars 2013, Vol. 2. Issue 2. Pp. 185-195
[9]Ben Youssef, A. et Hadhi, W., (2009)«Les dynamiques d’usage des TIC par les enseignants universitaires: les enseignements d’une enquête mené en France». Réseaux, N°155, Vol. 27 juillet/septembre 2009, pp. pp. 25-54. (Avec Walid Hadhri).
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